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L’innovation chez SUEZ pour accroître l’accès aux services essentiels de l’eau

Publié le

Jérôme Bailly Directeur de l’innovation SUEZ

Secteur Privé & Développement #42 - Accès à l’eau et à l’assainissement : le secteur privé à la source

Cette revue est consacrée au rôle du secteur privé dans l’accès à l’eau et à l’assainissement. Un enjeu majeur alors que plus de 2,2 milliards de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à une eau potable de qualité à domicile, et qu’elles sont 3,5 milliards à ne pas disposer d’un assainissement adapté.

La place stratégique que le groupe SUEZ donne à l’innovation se traduit par des moyens renforcés et par un aménagement spécifique de son organigramme. L’innovation chez SUEZ accompagne la transformation des métiers sur toute la chaîne de valeur de la gestion de l’eau et des déchets. Si elle repose sur des avancées technologiques, elle s’appuie aussi sur des formations et des transferts de savoir-faire. Mode opératoire structurant du groupe, elle répond à la fois à des objectifs commerciaux et environnementaux.

QUELLE EST LA « RAISON D’ÊTRE » D’UNE SOCIÉTÉ PRIVÉE COMME SUEZ QUAND ELLE ASSURE UN SERVICE PUBLIC ?

Nous apportons « des services essentiels pour protéger et améliorer la qualité de vie partout où nous agissons, face à des défis environnementaux grandissants. », comme le stipule notre « Raison d’être ». C’est ce qui guide l’engagement de tous nos collaborateurs, qui permet à SUEZ d’assurer au mieux la continuité de service qu’exigent la production d’eau potable et l’assainissement des eaux usées. SUEZ est aujourd’hui un leader mondial dans ces métiers. En 2023, le groupe a fourni de l’eau potable à 57 millions de personnes dans le monde et des services d’assainissement à plus de 36 millions d’usagers.

Adoptée en 2022, notre « Raison d’être » guide l’importante transformation conduite par SUEZ depuis plus de deux ans. En tant que directeur de l’innovation, je suis particulièrement attaché à cette phrase : « Nous innovons pour préserver l’eau et valoriser les déchets, sous forme d’énergie et de matières recyclées ». En effet, grâce à l’innovation, nous transformons nos métiers pour relever les défis liés à la préservation des ressources en eau et en matières premières, pour accompagner la transition bas-carbone des territoires, pour améliorer la résilience des infrastructures face aux évènements climatiques extrêmes.

En 2023, nos solutions circulaires ont permis de produire 7,7 térawattheures (TWh) d’énergie à partir des déchets et eaux usées, et 2,7 millions de tonnes de matières premières secondaires.

COMMENT CONCEVEZ-VOUS L’INNOVATION CHEZ SUEZ ?

L’innovation, c’est à la fois un vrai facteur de différenciation sur nos marchés et un accélérateur de la transition écologique. C’est pourquoi nous multiplions par quatre d’ici 2027 le budget alloué aux solutions de décarbonation, par deux le budget pour l’innovation dans les déchets. Nous nous sommes également fixé l’objectif de multiplier par deux le chiffre d’affaires issu de nos activités dans le digital. Une « unité de différenciation » dédiée à l’innovation a par ailleurs été mise en place au sein du groupe. Directement rattachée à la PDG, cette équipe nourrit nos activités business dans la gestion de l’eau et des déchets. Elle veille à ce que l’innovation chez SUEZ demeure un élément différenciant sur nos marchés, au même titre que notre expertise dans l’ingénierie et la construction, ainsi que dans les solutions digitales. Le choix a aussi été fait de structurer une communauté d’experts et de la positionner à un haut niveau dans la hiérarchie de l’entreprise. 25 lead-experts – qui disposent d’une expertise de pointe sur nos métiers – ont ainsi été intégrés au TOP 250 du groupe. Et pour assurer la promotion en externe de nos nouvelles solutions innovantes, nous organisons régulièrement des « Innovation Days » qui rassemblent clients et partenaires. Ils étaient plus de 200 provenant d’une vingtaine de pays lors de la dernière édition, en juin 2023.

POUVEZ-VOUS DONNER DES EXEMPLES DE CETTE VOLONTÉ DE RENFORCER ET D’INVESTIR DANS L’INNOVATION ?

Renforcer l’innovation, c’est avant tout investir dans des équipes, sur des durées assez longues (cinq ans minimum). Ce sont ces équipes de taille critique, qui apprennent de leurs réussites comme de leurs échecs, qui nous permettent de développer des projets dans la durée, en s’adossant à des ambitions et des priorités d’innovation stables, ce dont nous disposons aujourd’hui avec notre consortium d’actionnaires et l’équipe dirigeante de SUEZ. Les bonnes idées, nous allons aussi les chercher dans les écosystèmes externes, dans une démarche d’ « open innovation ». Depuis 2010, nous avons investi près de 80 millions d’euros via notre fonds SUEZ Ventures pour développer des synergies avec des start-up françaises et internationales. Nous intervenons pour soutenir leur croissance et accélérer la mise en oeuvre de leurs technologies en lien avec nos activités, en mettant l’accent sur la décarbonation et le digital. Je pense par exemple à notre prise de participation dans Airex Energie, qui développe une technologie innovante de production de biochar. Ce matériau, produit à partir de résidus forestiers et agricoles, présente plusieurs bénéfices : une puissante capacité de séquestration de carbone, une rétention accrue d’éléments nutritifs, une disponibilité de l’eau et une aération des sols optimisées. Nous avons l’ambition de développer, ensemble, une capacité de production de biochar de plus de 350 000 tonnes par an dans le monde, à partir de gisements de biomasses agricole ou forestière aujourd’hui peu ou mal exploités.

Ces investissements se justifient d’autant plus que nous constatons que nos clients sont en attente d’innovations lorsqu’elles ciblent bien leurs besoins ; aujourd’hui, plus de 50 % des contrats que nous remportons intègrent de l’innovation. C’était 44 % en 2023 et nous visons 80 % en 2027. Aux Philippines par exemple, SUEZ a remporté un contrat majeur au côté de Maynilad pour le traitement des eaux usées et la dépollution de la baie de Manille. La station d’épuration traitera 180 millions de litres/jour avec une technologie – Cyclor Turbo – permettant de garantir l’intégrité et la qualité des installations dans un espace limité, tout en réduisant l’empreinte environnementale globale du site grâce à une faible consommation d’énergie.

COMMENT MESUREZ-VOUS L’IMPACT DE VOS INNOVATIONS SUR LES COMMUNAUTÉS LOCALES ?

L’important est de mesurer l’impact global de notre apport, qu’il soit lié au déploiement d’innovations, à la mise en service de nouvelles infrastructures, ou à l’optimisation de l’exploitation d’un service d’eau. Au Sénégal, SUEZ contribue à l’amélioration de l’accès à l’eau via SEN’EAU. En 2020, les Dakarois n’avaient de l’eau que quelques heures dans la journée avec 403 quartiers qui connaissaient des manques d’eau. Avec l’action combinée de la mise en service de la troisième usine d’eau potable de Keur Momar San (KMS3) et d’optimisations hydrauliques, seulement une dizaine de quartiers peut encore connaître aujourd’hui des manques d’eau. Plus globalement, nous déployons depuis janvier 2023 une feuille de route développement durable ambitieuse, avec 24 engagements opérationnels pour accélérer notre action en matière de climat, de préservation de la nature et de responsabilité sociale. SUEZ s’engage par exemple à réduire d’ici 2030 de 39 % les émissions de gaz à effet de serre de ses activités Eau. Nous suivons de près l’exécution de ces engagements, à travers des indicateurs de performance quantifiés. Chaque année, nous rendons compte des résultats atteints à travers un « rapport de progrès », rendu public. Une démarche de transparence attendue de nos parties prenantes internes comme externes.

COMMENT PRENEZ-VOUS EN COMPTE LES ENJEUX ACTUELS DE SOBRIÉTÉ DANS L’USAGE DES RESSOURCES ?

L’eau est un enjeu central de l’adaptation au changement climatique. Face à la raréfaction de la ressource, les solutions technologiques seront nécessaires mais pas suffisantes. Il faut donc recycler et économiser. Nous disposons de solutions efficaces pour recycler l’eau, en réutilisant des eaux usées traitées (la « REUT »), pour réalimenter les nappes phréatiques, ou créer de nouvelles ressources – avec le dessalement d’eau de mer par exemple. En Tunisie, dans le cadre du premier partenariat public-privé du pays dans le domaine de l’eau, nous allons accroître la disponibilité de la ressource tout en soutenant le développement économique du sud du pays grâce à la réutilisation des eaux usées traitées pour l’agriculture. Mais la première étape est toujours d’économiser la ressource, en évitant les gaspillages et les consommations inutiles. Cela passe par la modernisation des réseaux et la détection des fuites, mais aussi par la sensibilisation des usagers pour une consommation mesurée, adaptée aux besoins. Le déploiement de compteurs intelligents permet, par exemple, un suivi plus précis de cette consommation – et donc une meilleure maîtrise.

La gestion de l’eau a aussi un rôle à jouer dans l’atténuation du changement climatique – avec par exemple la production de biogaz à partir des boues d’épuration des eaux usées. Plus importante station de traitement des eaux usées de la rive Est du Nil, Gabal El Asfar en Égypte est à ce titre une référence. Le site traite les eaux usées produites par 5 millions d’habitants, qui sont en partie réutilisées pour irriguer un parc forestier de 200 hectares. Gabal El Asfar valorise également les boues d’épuration par digestion anaérobie et cogénération. Le biogaz produit permet au site d’atteindre 65 % d’autonomie énergétique et d’éviter l’émission de 28 000 tonnes d’équivalent de CO2 par an.

QUEL RÔLE JOUENT LA FORMATION ET LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DANS L’AMÉLIORATION DE L'ACCÈS À L’EAU ET À L’ASSAINISSEMENT ?

Un rôle très important ! Nous intervenons dans de nombreux pays, à leur demande, justement pour participer au renforcement de l’expertise locale grâce à la formation et au partage de notre savoir-faire. En Arabie saoudite, nous accompagnons la National Water Company (NWC) pour la gestion des services d’eau et d’assainissement du Western Cluster – qui inclut 9 millions d’habitants dont les villes de Djeddah, La Mecque, Taïf – notamment via la formation de ses collaborateurs. Nous apportons également un appui en termes de compétences et d’expertise à la compagnie des eaux ouzbèke, en mettant à disposition de ses 4 000 employés l’appui de 14 spécialistes internationaux. Nous animons aussi dans ce contexte un programme ambitieux de transfert de compétences : 1 500 jours de formation, 350 jours d’étude à l’étranger et plus de 1 200 jours d’assistance technique. Le renforcement des capacités locales guide aussi l’action de la Chaire AgroParisTech « SUEZ-Eau pour tous », financée principalement par la Fondation SUEZ et l’AFD. Cette Chaire témoigne de notre action commune pour la formation des managers et des dirigeants des services d’eau et d’assainissement dans les pays en développement. Depuis bientôt 15 ans, 280 auditeurs en provenance de 54 pays ont pu bénéficier des formations du mastère et plus de 200 professionnels ont bénéficié de formations courtes.