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L’action du Comité international de la Croix-Rouge au cœur du triptyque humanitaire-développement-paix

Publié le

Juan Coderque Conseiller senior pour les Financements innovants Comité international de la Croix-Rouge

Multi-secteurs

Karma, Soudan, Afrique
© iStock

Secteur Privé & Développement 41

Secteur Privé & Développement #41 - Agir en contextes fragiles : financements, partenariats, innovations

Cette édition de la revue Secteur Privé & Développement est consacrée aux contextes fragiles. Les multiples défis auxquels sont confrontés les pays fragiles, convergent, s’additionnent et se renforcent mutuellement. Dans ces géographies, il faut en même temps répondre à des situations d’urgence, lutter sur le long terme contre la pauvreté et prendre en compte les impacts du changement climatique.

En collaboration avec des agences de développement et avec le secteur privé, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) met en place des solutions innovantes de partenariat et de financement, à la charnière entre humanitaire, développement et paix (nexus HDP) – dans des contextes fragiles et touchés par les conflits.

QUEL EST LE RÔLE DU CICR DANS LES CONTEXTES FRAGILES, ET QUELLE EST LA VALEUR AJOUTÉE DES PARTENARIATS MIS EN PLACE AVEC DES ACTEURS TELS QUE L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT ?

Le mandat du CICR est de fournir protection et assistance aux personnes et communautés affectées par les conflits. Sa neutralité, son impartialité et son indépendance lui permettent d’accéder aux zones touchées. Dans le cas de crises multiples, la collaboration entre le CICR et des acteurs du développement comme l’AFD, se fonde sur leur complémentarité. Le CICR vise à renforcer la résilience des populations, à soutenir les autorités locales dans des situations de crise et à assurer un impact durable de son action. Dans l’approche « humanitaire-développement-paix » (HDP), le partenariat entre le CICR et l’AFD rend possible des « stratégies de sortie responsables » en contexte humanitaire (conception, financement, mise en œuvre). Il permet aussi aux parties prenantes de rester engagées lorsqu’une situation se dégrade. Dans cette articulation « HDP », le CICR et l’AFD ont développé des approches novatrices pour l’accès à l’eau, à la santé et aux opportunités économiques, notamment en Irak, au Liban et au Mozambique.

COMMENT ÉVALUEZ-VOUS LE SECTEUR PRIVÉ LOCAL DANS LES ZONES OÙ INTERVIENT LE CICR ?

Les besoins varient beaucoup d’un pays en guerre à l’autre, mais on constate partout la même constante : le secteur privé et les acteurs locaux présentent une bien meilleure réactivité que n’importe quelle organisation internationale. Il est vrai cependant que les plus vulnérables sont souvent exclus de toute participation productive aux marchés locaux. La prise en compte de ces deux réalités est au cœur de la manière dont le CICR conduit son action, afin d’accroître la capacité des individus à générer des revenus pour leurs familles. En outre, s’agissant de la sécurité économique des populations affectées, le CICR adopte une double approche : au niveau des ménages, en aidant les familles vulnérables à (re)démarrer une activité génératrice de revenus, et au niveau systémique, en travaillant à améliorer le fonctionnement des marchés locaux et leur accessibilité. Les deux démarches se fondent sur une analyse et des connaissances approfondies du marché local, et reposent sur une interaction cohérente avec le secteur privé. Le CICR évite ainsi tout effet néfaste en atténuant les risques de distorsion du marché, mais valorise aussi l’avantage comparatif du secteur privé local pour démultiplier les effets positifs sur la communauté. Par exemple, au niveau des ménages, le CICR cible les plus vulnérables dans l’attribution de subventions pour la création de petites entreprises ou la formation professionnelle, contribuant ainsi à combler le déficit de compétences des entreprises locales. Mais il faut agir aussi au niveau des systèmes : quand des installations de stockage ont été détruites pas un conflit, par exemple, cela vient perturber les chaînes de valeur agricoles et contraindre les petits exploitants à vendre leur production au moment de la récolte, d’où une baisse des prix. En investissant pour rétablir les infrastructures de la chaîne du froid, le CICR aide les producteurs à élargir leur accès aux marchés,et à augmenter leurs revenus.

COMMENT LE CICR COLLABORE-T-IL AVEC LE SECTEUR PRIVÉ, ET QUELS SONT SES OBJECTIFS ?

L’action humanitaire moderne – celle des Conventions de Genève, du droit humanitaire international, du CICR et, plus largement, du Mouvement international Croix-Rouge/Croissant Rouge – est née en juin 1859 lorsqu’un homme d’affaires suisse, Henry Dunant, s’est retrouvé à devoir traverser le champ de bataille de Solferino au lendemain des combats. Là, des milliers de soldats italiens, autrichiens et français jonchaient la campagne lombarde, morts, mourants ou blessés, et privés de soins. De retour à Genève, Dunant écrivit Un souvenir de Solferino. Les milieux d’affaires genevois lui apportèrent leur soutien, et le secteur privé n’a dès lors plus cessé de jouer un rôle clé dans l’organisation. Le secteur privé est une source vitale de financement pour le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Au-delà de la mobilisation des ressources, le CICR et ses partenaires au sein du Mouvement impliquent aussi le secteur privé pour la passation de marchés, pour des approches collaboratives, et dans le cadre du dialogue humanitaire. L’objectif est d’assurer un impact humanitaire, toujours dans le respect des principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance qui sont ceux du Mouvement.